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Où en sommes-nous, face à nos cibles de réduction pour 2030 ?
Campagne électorale ou pas, ce n’est plus un secret pour personne, l’enjeu climatique nous submerge dans une profonde réflexion et des débats parfois stériles entre ceux qui voient le verre à moitié vide et d’autres qui le voient à moitié plein. Les dialogues de sourds ou l’ampleur du défi pousse le plus sceptique ou réticent sur la défensive. Malgré les avertissements répétés au quotidien, le rythme auquel nous dilapidons collectivement la planète ne peut qu’attiser le cynisme de certains. Un mécanisme de défense bien connu consiste à se comparer à ce qu’il se fait de pire ailleurs, pour justifier l’inaction. Nous sommes tous passagers du même train qui risque pourtant de dérailler, si personne ne tire sur les freins? Qu’en pensent les autres passagers?
Un sondage sur le tourisme responsable réalisé en France auprès de plus de 50 000 répondants illustre malheureusement que les passagers du train sont sensibles à la question, mais que les gestes ne suivent pas toujours les paroles. Make.org • Comment agir pour un tourisme plus responsable en France ?
Alors que 79% des répondants sont d’accord pour l’utilisation des moyens de transport durables, ils sont beaucoup plus controversés quant à l’idée de réduire les vols aériens. En général, ce que l’on peut constater de cette enquête, c’est que les répondants sont favorables aux mesures qui doivent être prises par les entreprises touristiques, les destinations, mais sont plutôt défavorables envers les mesures contraignantes qui les concernent directement. Telles que mesurer l’empreinte carbone des touristes, ou les contraindre à sa réduction (39% d’accord, 22 % neutres et 39% en désaccord). Bref, tout le monde est pour la vertu, dans la mesure où ça ne pose pas trop de contraintes dans leur quotidien? Nous avons pourtant bien eu un été exceptionnellement chaud, surtout dans l’ouest avec des températures dignes des climats arides(1) avec 47,50 celsius. Malgré ce fait, le sujet est complexe et intangible, s’il ne nous touche pas localement. Il faut donc peut-être changer d’approche pour mieux se mobiliser collectivement autour d’une cible plus tangible, plus concrète.
Et si l’on comparait l’échéance de 2030 aux Jeux olympiques du climat?
Si on comparait l’échéance de 2030 à des championnats à une finale de série de hockey ? Ou imaginez que le Canada se prépare pour les Jeux olympiques du climat. D’emblée, de nombreuses questions nous viennent en tête. Voulons-nous vraiment y participer? Combien ça va nous coûter? Quelles sont nos chances de succès? Avons-nous la bonne stratégie pour atteindre nos objectifs ? Il est minuit moins une si l’on souhaite faire le virage majeur nécessaire pour avoir une chance de succès. Peut-être faudrait-il revoir notre façon de voir les choses et commencer par croire que c’est possible?
Choisir et former l’équipe de rêve pour 2030?
Nous le savons tous, afin qu’une équipe sportive se démarque, elle doit avant tout être bien dirigée. Or, dans la ligue à l’heure actuelle, les gouvernements occupent les rôles d’entraîneurs ou de propriétaires. Nous sommes les actionnaires, ceux qui allons les recruter le 20 septembre prochain (aux élections). Car ce seront eux qui pourront définir les grandes lignes de notre stratégie climatique que devront appliquer les différents joueurs (les producteurs de biens, de services, les consommateurs, l’état, les institutions).
Or malheureusement, les « entraîneurs canadiens » se contentent d’exiger le strict minimum afin de ne froisser aucun joueur ou se mettre à dos des partisans en raison d’une stratégie jugée trop audacieuse ou contraignante. Peut-être aussi que c’est difficile de garder l’échéance 2030 en tête, malgré son importance, par ce qu’on oublie la cible, ou qu’on a du mal à la visualiser ?
Il faut reconnaître qu’elle partage aussi les manchettes avec une multitude d’autres priorités et d’enjeux plus terre à terre et à plus court terme pour le commun des mortels : pénurie de main-d’œuvre, respect des mesures sanitaires, places en garderies, système de santé, contrôle des armes à feu, et j’en passe.
Pour rester « focus » sur l’essentiel, nous devrons donc chercher les joueurs étoiles de notre prochain gouvernement fédéral. Qui sera le bon capitaine, qui peut donner l’exemple, mobiliser ses effectifs en vue d’une victoire pour 2030? Ce ne sont pas seulement de simples petits gestes ou des promesses qui nous permettront d’atteindre les objectifs fixés. Et si malheureusement aucun joueur ne se distingue présentement? Pensons à la relève, ou allons voir ailleurs!
Que font les équipes championnes de réduction des GES?
À chaque 2 ans, l’université de Yale réalise le classement de 180 pays en fonction de l’EPI (Index de performance environnementale). Cet index comprend 32 indicateurs de performance sur 11 catégories d’enjeux (2). Lors de l’édition de 2020, le Canada s’est classé au 20e échelon, loin derrière une majorité de pays européens (3). À titre de référence, les États-Unis se situent au 24e rang. Les chercheurs de cette étude recommandent notamment aux pays :
• d’améliorer la collecte de données sur les résultats environnementaux;
• de soutenir les systèmes de données mondiaux;
• d’intégrer des mesures et une analyse rigoureuse dans les processus d’élaboration des politiques.
D’autres équipes ont déjà une stratégie en place alors que malheureusement de notre côté, nous manquons de leadership.
Les analystes de la question semblent pencher en faveur de l’équipe du Danemark, du Luxembourg, de la Suisse, du Royaume-Uni, et de la France. Mais que font ces équipes pour être en si bonne posture?
Prenons le Danemark en exemple, puisqu’il trône au sommet du palmarès actuellement. En décembre 2019, 8 des 10 partis politiques ont voté en faveur du Climate Act, qui contraint juridiquement tous les ministres du climat à travailler vers l’atteinte d’un équilibre zéro-émission d’ici 2050 au plus tard (4). Ce plan s’articule en cycles de 5 ans, permettant des actions à court terme, dans une perspective de long terme. D’abord, ils ont procédé à une réforme de l’infrastructure politique en mettant sur pied un « Comité pour la transformation verte », qui s’assure que les considérations sur le climat sont prises en compte pour chaque décision politique majeure. Ils ont aussi formé 13 partenariats sur le climat auprès des leaders du secteur privé.
Déjà, ce pays a réduit de plus de la moitié ses émissions de CO2 depuis 1996, en plus de produire 47% de son électricité avec l’éolien. N’oublions pas qu’en 1991, le Danemark fut le premier pays à implanter un système d’éoliennes sur l’eau (5). Quelles leçons pouvons-nous tirer de ce pays inspirant? Quelles conditions nous faudrait-il réunir afin de nous rallier conjointement à la cause environnementale comme l’a fait le Danemark?
Cela devrait être la question de l’urne du 20 septembre, qu’en pensez-vous? À quand un débat des chefs sur la stratégie climatique? Malheureusement, les débats couvrent trop de sujets en même temps. Peut-être devrions-nous faire des débats sur un ou deux thèmes à la fois, pour y voir plus clair ?
Heureusement depuis quelques années, nous avons franchi collectivement un pas important, car une majorité de Canadiens reconnaissent enfin l’enjeu climatique. Nous devons maintenant passer à un autre niveau. Nous avons l’occasion le 20 septembre de rappeler à nos gouvernements que nous rêvons d’un grand chantier collectif durable. Sans oublier que ce défi collectif est un appel à faire des changements individuels.
Faire partie de Tourisme Durable Québec peut vous aider à agir dans cette direction. Une occasion de rester informé, éveillé et de rester engagé dans le développement d’un tourisme responsable et durable.
Luc Caron, membre fondateur de Tourisme Durable Québec