Source de la publication originale: Touriscope
Face aux nombreux enjeux environnementaux et sociaux liés à la voiture individuelle, comment inciter les touristes à se déplacer autrement ?
Le sujet est important puisque favoriser les moyens de transports durables est un des piliers du plan d’action pour un tourisme responsable et durable du ministère du Tourisme du Québec. De plus, le déplacement est un maillon important du parcours client. Pour le touriste, il ne s’agit pas seulement de se rendre d’un lieu à un autre, il constitue aussi une manière de découvrir le territoire et d’y vivre une expérience. Cependant, les habitudes en matière de transport sont bien ancrées et ne sont pas faciles à changer. Dans ce contexte, comment développer de bons projets de mobilité durable ? Voici un résumé des réponses proposées dans un numéro dédié de la revue Espaces.
Les enjeux de développement durable en bref
L’industrie touristique est de plus en plus consciente de la nécessité de décarboner les déplacements. À l’échelle mondiale, 49% des émissions de gaz à effets de serre du tourisme seraient liées au transport, et celles-ci sont en augmentation selon SustainableTravel.org. Cependant, on oublie souvent que le transport automobile entraîne d’autres impacts environnementaux et sociaux importants parmi lesquels :
– la destruction de milieux naturels pour faire place aux infrastructures (routes, stationnements) et la pollution visuelle que cela entraîne (paysages défigurés) ;
– les impacts sur la santé : pollution de l’air, pollution sonore, îlots de chaleur ;
– la congestion automobile et l’impact sur la qualité de vie des résidents ;
– les enjeux de sécurité pour les autres usagers : piétons et cyclistes
– les inégalités d’accès pour les clientèles défavorisées ou qui n’ont pas de voiture ;
– etc.
C’est pourquoi les voitures électriques ne sont qu’une partie de la solution lorsqu’on réfléchit à la mobilité de l’avenir. La voiture individuelle a une place, mais ne doit pas prendre toute la place.
Comment développer de bons projets de mobilité durable ?
Le contenu qui suit présente les faits saillants du numéro 356 de la revue Espaces : Organiser les mobilités touristiques dans la destination. Cette publication s’est concentrée sur la mobilité des visiteurs, et n’aborde pas la mobilité des travailleurs, qui est tout aussi importante, mais comporte des enjeux différents.
1- Comprendre le rôle de la mobilité dans l’expérience client
Le transport est un maillon important du parcours client, puisque tout voyage commence et se termine par un déplacement de son domicile vers sa destination. La mobilité concerne aussi les déplacements à l’intérieur de celle-ci. Voici quelques points abordés dans la revue Espaces:
– les moyens de transport disponibles pèsent dans le choix de la destination et l’expérience d’utilisation impacte le niveau de satisfaction pendant et après la visite.
– pour le touriste, le déplacement n’est pas seulement un moyen d’aller d’un lieu à un autre, c’est aussi une manière de découvrir un territoire et d’y vivre une expérience.
– les nuisances qu’engendre l’automobile affectent la qualité de la destination et son attractivité (ainsi que la qualité de vie des résidents). Ces nuisances sont de moins en moins acceptées comme une fatalité par les territoires.
– la tendance en Europe est à éloigner les stationnements des sites naturels tels que les plages afin de les renaturaliser, tandis qu’autrefois, leur proximité était le meilleur argument de vente. Cela leur rend beauté et authenticité.
2- Bien comprendre les besoins en matière de mobilité et connaître son territoire
Bien comprendre les besoins des différentes clientèles potentielles est une condition de succès de tout projet de développement de l’offre en matière de transport. Il faut savoir que les besoins en déplacement des visiteurs ne sont pas les mêmes que ceux des résidents (lieux desservis, horaires et fréquences des passages, etc.). Voici quelques éléments abordés dans la revue Espaces:
– Tout projet doit partir des besoins AVANT de parler des solutions.
– Les choix de transports, qui découlent des besoins, correspondent à des contextes et profils de clientèle (selon la composition du groupe, l’âge, le degré d’autonomie, les compétences en matière de voyage). Par exemple, un voyageur peut utiliser le métro le jour, mais préférer le taxi le soir et la nuit.
+ Bonne pratique: Une enquête déplacement menée auprès d’un échantillon représentatif des touristes et/ou excursionnistes sur le territoire.
– Tout projet doit être pensé en collaboration avec une diversité d’acteurs à l’échelle régionale pour favoriser des actions concertées et cohérentes. Sinon, les actions à la pièce risquent d’être des coups d’épée dans l’eau.
– Les possibilités en matière de mobilité dépendent de l’aménagement territorial, du niveau de densification (pour réduire les distances et les temps de déplacement), à quel point il est agréable et sécuritaire de marcher / aller à vélo, etc. De plus, pour s’attaquer à la saturation automobile, il faut remonter à sa source, soit les principales agglomérations d’où viennent les visiteurs, et y proposer des solutions alternatives.
– Comprendre que le touriste ne connaît pas les lieux. Ses besoins en matière d’information sont donc plus grands que ceux des résidents. Il est donc primordial de leur fournir une information porte à porte et pas à pas. La transformation numérique ouvre la voie à de nombreuses opportunités, grâce à l’accès plus facile aux informations sur les transports disponibles, souvent en temps réel.
3- Comment reconnaître un bon projet de mobilité durable?
Après avoir bien considéré les besoins et étudié son territoire, il est temps de penser aux solutions. Quels modes de transport actifs et collectifs susciteront l’intérêt des clientèles cibles? Voici quelques points abordés dans la revue Espaces:
– Pour espérer un changement de mode de transport, il faut proposer des alternatives crédibles, attrayantes et économiques (confortables, faciles à utiliser, etc.).
– Le réseau de mobilité existant peut être adapté.
Les transports en commun peuvent être adaptés aux besoins des clientèles touristiques.
La multimodalité (complémentarité des modes de transport) doit être planifiée pour fluidifier et optimiser les déplacements.
La marche, le vélo et les microvéhicules (ex: trottinettes) peuvent être encouragés.
– Les modes de transport expérientiels peuvent être promus ou développés:
Les modes de transport qui favorisent la découverte multi sensorielle (odeurs, toucher, etc.), permettent des arrêts et une exploration plus libre : la marche, le vélo, la trottinette, etc.
Les modes de transport ludiques (téléphériques, tramway, navettes fluviales,) publics ou à destination spécifique des visiteurs.
– Les nouveaux vélos et autres engins électriques permettent d’élargir les possibilités sans voiture et de toucher un public plus large. Cependant, ceux-ci peuvent poser des conflits d’usages, notamment s’ils sont utilisés dans des milieux naturels autrefois préservés.
En matière de mobilité, on constate que de nombreuses opportunités sont à saisir dès aujourd’hui. Par exemple, l’accès à l’information peut être facilité par la technologie, les micro véhicules électriques permettent d’intéresser un public plus large aux déplacements actifs, etc. Voici trois exemples de destinations inspirantes : la Slovénie, l’Île de Ré (France) et le Mont-Saint-Michel (France). Toutefois, les choix individuels des visiteurs sont fortement dépendants des décisions collectives qui sont prises en regard de l’aménagement territorial, des infrastructures et services publics, etc. Malgré tout, s’il n’y avait qu’une phrase à retenir de ce texte, ce serait la suivante:
‘’L’important est de susciter le désir de se déplacer autrement !’’
Source principale:
Revue Espace numéro 356, Organiser les mobilités touristiques dans la destination (Septembre 2020)
Pour aller plus loin au sujet de la mobilité durable:
Movin On Connect: Étude: La mobilité vue par le jeune génération (18-34ans), dans un monde post covid (2020)
etourisme.info, Les nouveaux rôles des offices de tourisme en matière de mobilité , (2022)
Vivre en ville, Réunir les modes : À la recherche de la mobilité durable : miser sur la complémentarité (2013)
Mobili-T, Guide de bonnes pratiques en mobilité durable (pour les employeurs) (2019)
Cerema, Comment agir concrètement en mobilité dans une zone peu dense? (2020)