21 mars 2025

Bonnes pratiques – Société Duvetnor

La Société Duvetnor, à Rivière-du-Loup, a été fondée en 1979 par Jean Bédard et un groupe de biologistes, avec la mission d’assurer la conservation, l’éducation par l’écotourisme et la recherche dans un archipel du Bas-Saint-Laurent.

Aujourd’hui, Duvetnor est propriétaire de cinq îles essentielles à la nidification des oiseaux et à la faune marine. L’organisme collabore également avec le Service canadien de la faune dans la protection et la gestion de la Réserve nationale de faune des îles de l’Estuaire, en plus d’œuvrer à la protection et à la gestion de la Réserve de biodiversité projetée de l’Île-aux-Lièvres en partenariat avec le Ministère de l’Environnement, de la Lutte contre les changements climatiques, de la Faune et des Parcs (MELCCFP).

Conservation de la biodiversité

De par sa mission, la Société Duvetnor joue un rôle crucial dans la conservation des îles du Bas-Saint-Laurent. Or, le parcours n’a pas été sans défis. 

D’abord, lors de l’acquisition des îles au début des années 80, Duvetnor a dû composer avec la présence de camps installés sans autorisation depuis des années, ce qui a engendré certaines frustrations.

« La meilleure protection, c’est d’assurer une présence sur les sites. Les gens savent maintenant qu’il faut passer par la société pour les visiter », souligne Jean-François Giroux, membre du conseil d’administration de la Société Duvetnor et biologiste.

Carte des îles de la réserve

 

Puis, en 2012, Duvetnor a vendu une partie de l’Île-aux-Lièvres au gouvernement du Québec dans le but de créer une réserve de biodiversité, dont le processus est toujours en cours afin d’obtenir le statut permanent de protection. En échange, la société demeure responsable de la protection et de la gestion de la réserve de biodiversité projetée. Au terme de la vente, Duvetnor a conservé un lot comprenant des bâtiments nécessaires à leurs opérations et à l’administration.  .

Pour l’équipe de Duvetnor, cette collaboration avec le gouvernement a impliqué un apprentissage de nouvelles méthodes de travail. Chaque modification requiert désormais des autorisations, créant une charge administrative conséquente, mais nécessaire pour permettre à l’organisme d’atteindre ses objectifs.

Au bout du compte, la présence de Duvetnor a permis de limiter les activités incompatibles avec la préservation de la faune et de faciliter le suivi des populations animales. Bien que toutes les îles ne bénéficient pas du même statut de protection, l’ensemble de l’archipel demeure bien protégé. L’organisme a d’ailleurs conclu une entente avec le gouvernement du Canada pour assurer la surveillance de certaines îles.

L’écotourisme comme outil de conservation

Pour mener à bien sa mission de conservation de la biodiversité, la Société Duvetnor a choisi de rendre une partie de son territoire accessible au grand public. Les infrastructures d’accueil, incluant un ancien phare reconverti en auberge, des chalets et des sites de camping, ainsi que des excursions en mer ou en randonnée pédestre, permettent aux touristes de partir à la découverte de cet environnement. 

Phare du Pot à l'Eau-de-Vie - Crédit photo: François Prévost

Durant la saison estivale, Duvetnor déploie une équipe d’environ 30 employés pour accueillir plus de 5000 visiteurs, dont 20% proviennent de l’étranger.

Par l’interprétation et l’éducation du public, l’écotourisme devient un outil supplémentaire pour soutenir les efforts de préservation. De plus, comme les profits générés sont réinvestis dans l’organisme, l’écotourisme finance partiellement les activités de conservation et de recherche scientifique menées par Duvetnor.

Un partenariat unique… entre l’humain et l’oiseau!

En complément à ses activités scientifiques et écotouristiques, la Société Duvetnor s’engage dans une initiative commerciale remarquable grâce à un partenariat unique avec l’Eider à duvet, un canard de mer nordique nichant sur l’archipel. En effet, Duvetnor récolte et commercialise le duvet de cet oiseau, dont elle tire d’ailleurs l’origine de son nom.

Duvetnor, Eiders à duvet - Crédit photo: Dany Coulombe

 

Au moment de la nidification, la femelle Eider arrache les plumes de sa poitrine pour recouvrir ses œufs. Ce duvet est reconnu pour ses propriétés isolantes exceptionnelles dont s’inspire le terme « édredon », qui dérive du danois « eiderdunn ». Les couettes confectionnées à partir de ce duvet sont prisées dans les pays scandinaves, entre autres.

Une fois récolté, le duvet est nettoyé et stérilisé. Sur 100 kilos de matière brute, environ 20 kilos nets peuvent être commercialisés. En raison de son caractère luxueux, le duvet est destiné à un marché hyperspécialisé, avec seulement deux acheteurs, l’un à Toronto et l’autre, en Allemagne.

« Jean Bédard, qui étudiait les eiders, a remarqué que la population locale se rendait sur les îles pour récolter le duvet, perturbant ainsi les colonies. C’est lui qui a convaincu le gouvernement d’émettre des permis pour encadrer cette activité et garantir que les bénéfices soient réinvestis dans la conservation », raconte Jean-François Giroux.

Avec une production annuelle entre 50 et 70 kilos, la vente du duvet a initialement financé l’acquisition des îles et continue aujourd’hui de soutenir les activités de la société. Cette collaboration inédite entre l’humain et l’oiseau démontre qu’une exploitation réfléchie des ressources naturelles, menée dans un cadre scientifique rigoureux, peut profiter à la faune et à la préservation de son habitat.

Collecte duvet eider - Crédit photo: Dany Coulombe

 

Réduction à la source

Le contexte insulaire de la Société Duvetnor l’oblige à adopter différentes bonnes pratiques en tourisme durable, dont la réduction à la source et une gestion responsable de l’eau, de l’électricité et des déchets.

En route vers l’autonomie énergétique

Dans les dernières années, la Société Duvetnor a entamé un virage vers les énergies renouvelables, particulièrement l’énergie solaire. Alors que la consommation annuelle de kérosène de la société s’est déjà élevée à 4000 litres par an, elle a réduit drastiquement cette utilisation à environ 400 litres, ce qui représente des économies substantielles.

Panneaux solaires alimentant les édifices en énergie

 

Aujourd’hui, les génératrices conventionnelles ne sont activées qu’en situation d’exception : lors de pannes, pour répondre aux pics de demande durant la haute saison touristique, ou après plusieurs jours de faible ensoleillement. Pour la cuisson, le propane demeure la solution privilégiée.

Cette évolution énergétique s’opère progressivement, en phase avec le perfectionnement des technologies disponibles. Duvetnor explore également le potentiel éolien, bien que cette avenue présente des défis plus complexes en raison des contraintes liées à l’installation de structures éoliennes sur les îles.

Une fois de plus, la sensibilisation de la clientèle constitue un outil essentiel dans le déploiement de ces pratiques. Les touristes sont invités à adapter leurs habitudes, par exemple à laisser les appareils énergivores comme les séchoirs à cheveux chez soi.

Une utilisation responsable de l’eau

Bien qu’il soit entouré d’eau (salée), l’archipel de Duvetnor ne dispose que d’une quantité limitée d’eau douce. Plusieurs stratégies ont donc été établies pour assurer une gestion responsable de cette ressource précieuse.  

D’abord, Duvetnor dispose d’une source d’eau alimentée par des ruisseaux qu’elle capte à l’aide d’un système de pompage par bélier hydraulique. Dans certains secteurs moins accessibles, l’approvisionnement doit être assuré par bateau.

Ensuite, les installations touristiques sont équipées de toilettes et de robinets à faible débit ainsi que de systèmes de récupération de l’eau de pluie. La buanderie, quant à elle, est envoyée à Rivière-du-Loup et les draps et serviettes sont nettoyés sur demande uniquement durant le séjour.

À nouveau, la clientèle est invitée à réduire sa consommation d’eau à travers de petits gestes.

Un tri des matières efficace

La Société Duvetnor applique un tri efficace des matières résiduelles dans le but de détourner au maximum les déchets de l’enfouissement. 

Premièrement, les matières organiques sont compostées localement et enrichissent de petits potagers qui alimentent directement les services de restauration.

Deuxièmement, un système de collecte des matières recyclables permet de les rassembler avant leur transport vers la terre ferme, où elles rejoignent le réseau municipal de recyclage.

Finalement, les déchets ultimes sont enfouis selon des normes environnementales strictes.

Un défi permanent réside dans la conscientisation du public à limiter ses bagages, pour des raisons logistiques (espace limité sur les embarcations), mais également écologiques (réduction des déchets potentiels). Heureusement, la clientèle fréquentant ces îles se montre généralement réceptive aux Principes Sans trace.

Un petit conseil pour la route

Une mission possible grâce à l’entrepreneuriat collectif

Selon Jean-François Giroux, il est clair que le fait d’être une entreprise d’économie sociale (voir également Entrepreneuriat collectif dans le Lexique du tourisme durable) joue un rôle clé dans le succès de la Société Duvetnor.

En l’occurrence, le statut d’organisme à but non lucratif permet l’accès à certaines subventions et à d’autres sources de financement primordiales pour la réalisation de sa mission.

« C’est beaucoup de travail, évidemment. Mais, comme plusieurs d’entre nous étaient professeurs à l’université, on avait déjà l’expérience pour faire des demandes de subvention. », révèle Jean-François Giroux.

À cette nouvelle réalité s’ajoutent aussi les autres avantages liés à l’entrepreneuriat collectif qui devient un véritable levier pour mener à bien sa mission en tourisme durable. Par exemple, la gestion par un groupe de personnes plutôt qu’un seul individu permet la mise en priorité des intérêts publics, notamment en termes de conservation du territoire et de la biodiversité. Le fort attachement à sa mission suscite aussi l’adhésion de toutes les parties prenantes, des employés aux voyageurs, jusqu’aux fournisseurs.

Pour en savoir plus sur le sujet, consultez l’article Développer un tourisme durable grâce à l’entrepreneuriat collectif!

Faire preuve de persévérance… et d’originalité!

La Société Duvetnor l’a bien constaté : dans toute démarche liée à la conservation du territoire, on se bute parfois à une réglementation stricte et à une bureaucratie costaude. 

« C’est là que la persévérance devient indispensable! », note Jean-François Giroux.

Et à la persévérance s’ajoute… le souci d’être original!

« Notre relation avec l’Eider démontre bien comment on peut développer son propre créneau en écotourisme. Chaque territoire possède quelque chose d’unique à valoriser de façon originale et respectueuse! », renchérit Jean-François Giroux.

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