18 avril 2023

Démystifier la responsabilité sociale et les facteurs ESG

Dans les derniers mois, un nouveau buzzword semble avoir monopolisé les discussions dans le monde des affaires : les facteurs ESG (environnement, société et gouvernance). Il y a encore beaucoup de mauvaise compréhension, pour ne pas dire d’appréhension, sur ces facteurs. Effet de mode? Attrape-nigaud? Greenwashing? Les raisons de se méfier sont nombreuses, car il n’y a pas encore de cadre normatif officiel pour encadrer cette nouvelle façon d’évaluer les organisations.

Que sont les facteurs ESG?

Les facteurs ESG se définissent comme un ensemble de facteurs non financiers permettant d’évaluer et comparer les organisations. Ils sont nés de la volonté du monde de la finance de contrôler les risques liés aux investissements et aux prêts. Ils se basent principalement sur l’ensemble des éléments « matériels » qui pourraient avoir un effet sur la performance de l’organisation, mais qui ne sont pas financiers.

Toute organisation, peu importe sa taille ou sa forme, doit produire une forme de rapport financier, généralement un état financier consolidé et vérifié par un vérificateur externe.  Les états financiers permettent de déterminer si une entreprise agit de façon légale, paie ses taxes et impôts adéquatement, respecte ses engagements… bref, si elle est financièrement responsable ! Toutefois, les états financiers se limitent, sans grande surprise, aux activités et éléments financiers uniquement.

Il est donc facile d’imaginer que certaines parties prenantes de l’organisation, tel que les clients, les fournisseurs, les créanciers et les investisseurs désirent connaître non seulement la situation financière d’une organisation, mais aussi la situation extrafinancière qui pourrait avoir une influence, positive ou négative, sur sa performance.

Quel est le lien entre le développement durable, les facteurs ESG et la responsabilité sociale des organisations?

Toute organisation, peu importe sa nature et sa taille, fait partie de la société et y contribue. Nous avons souvent l’impression, à tort ou à raison, que les grandes entreprises mettent le profit devant le bien commun. Gardons à l’esprit que tout profit ne s’équivaut pas – pour la majorité des entreprises, le meilleur profit est celui qui est réalisé en minimisant ses impacts et externalités négatives. À divers degrés, la majorité des organisations et entreprises aspirent donc à un développement durable des affaires, avec au minimum une conduite de leurs activités respectant les lois et règlements, et au mieux une conduite qui génèrent plus de bienfaits que d’effets négatifs (Entreprise Net positive).

Chaque organisation doit trouver une façon d’intégrer ses objectifs de durabilité dans sa stratégie d’affaires. C’est ici qu’intervient le concept de responsabilité sociale des organisations. Selon le référentiel ISO26000, la responsabilité sociale d’entreprise (RSE) signifie la responsabilité d’une organisation vis-à-vis des répercussions de ses décisions et activités sur la société et l’environnement, se traduisant par un comportement transparent et éthique qui (1) :

  • Contribue au DD, y compris à la santé des personnes et au bien-être de la société;
  • Prend en compte les attentes des parties prenantes;
  • Respecte les lois en vigueur et est compatible avec les normes internationales;
  • Est intégré dans l’ensemble de l’organisation et mis en œuvre dans ses relations.

C’est ici que le concept des facteurs ESG devient intéressant. Ces facteurs sont une multitude de conditions et d’indicateurs qui permettent d’évaluer des attributs non financiers d’une organisation, et ainsi prendre de meilleures décisions d’affaires. Ils servent donc à évaluer la responsabilité sociale d’une organisation, ce qui ne peut évidemment pas être possible en consultant les états financiers.

Existe-t-il une liste de facteurs ESG ?

Les facteurs ESG sont des compléments essentiels aux facteurs économiques dans la prise de décisions. Il y a donc autant de facteurs ESG qu’il y a d’organisations pour les évaluer!

Les firmes spécialisées utilisent des méthodologies comprenant des centaines de facteurs et d’indicateurs afin de créer des cotes ESG standardisées. Les firmes d’investissements et les banques ont développé leur propre grille d’analyse de facteurs ESG basée sur la gestion du risque. De nombreuses entreprises, généralement de grande taille, ont aussi développé des grilles de facteurs ESG qui sont incluses dans leurs appels d’offres pour faire affaire avec des fournisseurs répondant à leur standard.

Bien qu’il existe des milliers de ces facteurs, le plus important pour toute organisation est de bien comprendre ceux qui sont matériels, c’est-à-dire important et significatif pour leurs parties prenantes clefs. Par exemple, une entreprise touristique se souciera des facteurs liés à la protection des espèces en péril, mais risque peu de devoir rendre des comptes sur son exposition au risque associée au travail manufacturier des enfants.

Aujourd’hui, pourquoi en parlons-nous autant?

Nous sommes dans le milieu d’une grande révolution. L’annonce, il y a un an, de la création de l’ISSB (International Sustainability Standards Board) a tout changé. C’est très simple : l’ISSB est en train de créer des standards de déclaration extrafinancière ESG aussi complets et performant que les standards que nous utilisons pour produire les états financiers consolidés, avec l’intention de voir les différents régulateurs boursiers internationaux les adopter de façon obligatoire. Les premières normes de l’ISSB seront publiées en 2023.

L’ISSB consolidera plusieurs outils de déclaration déjà largement utilisés de façon volontaire – le système de rapport GRI (Global Reporting Initiative) (2), les facteurs de matérialité du SASB (Sustainability Accounting Standards Board) (3) et l’analyse de risque climatique du TCFD (Task Force on Climat-related financial Disclosures) (4). Toute la crédibilité de cette initiative tient du fait que l’ISSB a été créé par la fondation IFRS (International Financial Reporting Standards Foundation), qui définit déjà les obligations de déclarations financières que nous utilisons au Canada comme ailleurs.

Les facteurs ESG sont en voie de passer d’un outil d’analyse de risque pour les investisseurs à un cadre normatif standardisé qui implique la collaboration de l’ensemble des acteurs de nos organisations et de notre chaine de valeur. L’ISSB a confirmé à la fin octobre que le premier standard consolidé touchera les risques climatiques et nécessitera la déclaration des émissions de GES de périmètre 1, 2 et 3.

Comment préparer son organisation ?

Toute organisation peut adopter une stratégie de responsabilité sociale et intégrer certains facteurs ESG dans son bilan. Toutefois, pour les organisations de petites et moyennes tailles devant rendre des comptes à des actionnaires ou des créanciers, la tâche peut sembler difficile si on ne sait pas par où commencer. Voici donc cinq étapes de bases que toute organisation peut suivre.

  1. Comprendre son processus de déclaration financière, c’est-à-dire, apprendre à lire les états financiers et comprendre les normes comptables de l’IFRS utilisées ;
  2. Former une équipe pluridisciplinaire et s’informer sur les normes de l’ISSB qui seront publiées en 2023 ;
  3. Faire son analyse de matérialité sectorielle en utilisant les standards du SASB, cartographier ses parties prenantes et s’informer sur leurs attentes par rapport aux facteurs ESG ;
  4. Comprendre ses sources de données extrafinancières et les regrouper avec rigueur – commencer avec les données associées aux émissions de gaz à effet de serre ;
  5. Produire un premier rapport annuel extrafinancier en utilisant les normes du GRI.

Il ne faut donc pas paniquer – si on s’y prend un peu d’avance et en respectant le rythme et les ressources de son organisation, une stratégie de RSE accompagnée de facteurs ESG pertinents peut apporter beaucoup de bénéfices à son organisation.

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Pour aller plus loin:

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Sources :

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