Lors du café jasette du 21 septembre dernier, disponible en rediffusion dans l’accès membre, nos invités ont eu à se prononcer sur une question existentielle digne de Platon : «Le volet social en tourisme durable, pourquoi?» En guise d’introduction de la thématique, Veronica Gomez, directrice Amériques pour l’Organisation internationale du tourisme social (ISTO) a acceptée de nous offrir un argumentaire éloquent qu’elle a rédigé spécialement pour nous. La dimension sociale du tourisme durable (ISTO)
Pour passer aux choses concrètes, vous trouverez ici quelques notions, des exemples de bonnes pratiques et des conseils pour passer à l’action. Plus de ressources sont suggérées pour approfondir le sujet.
Pourquoi? La responsabilité sociale crée de la valeur
L’abondante littérature sur la responsabilité sociale d’entreprise (RSE) nous invite à délaisser l’ancien mode de pensée qui voyait l’augmentation des profits comme la seule responsabilité de l’entreprise. Il est aujourd’hui largement démontré et accepté que de cultiver un impact social et environnemental positif permet d’y ajouter de la valeur – et non pas seulement des coûts. Cette valeur se manifeste entre autres par la fidélisation de la main-d’œuvre et de la clientèle, de meilleurs rapports avec la communauté, etc.
Nous faisons tous et toutes partie de la solution – entreprises privées, publiques, OBNL, voyageurs – peu importe notre point de départ. Alors, allons-y !
1- Connaître les principaux enjeux sociaux
Le respect de l’environnement, le développement économique et l’équité sociale forment les trois piliers du tourisme durable. Résumé simplement, le pilier social réfère à la satisfaction des besoins de tous les êtres humains. Qu’y a-t-il de plus important, quand on y pense? Pourtant, celui-ci est le plus souvent négligé.
L’Organisation des Nations Unies (ONU) a adopté en 2015 les 17 objectifs de développement durable (ODD) « pour parvenir à un avenir meilleur et plus durable pour tous. Ils répondent aux défis mondiaux auxquels nous sommes confrontés » (1). Chacun d’eux a un impact sur les conditions de vie humaine et peut donc être abordé sous l’angle social. Et oui, chacun d’eux fait écho à des enjeux ici au Québec.
Les liens entre certains objectifs et les enjeux qui vous touchent peuvent parfois être plus difficiles à voir. Nous en soulignons quelques-uns:
- Objectif 8 – Travail décent : l’amélioration des conditions de travail, notamment la saisonnalité des emplois (voir emploi de qualité)
- Objectif 11 – Villes et communautés durables : le respect de la capacité d’accueil et la prise en compte de la qualité de vie des résidents, acceptabilité sociale de vos activités, la préservation du patrimoine et de l’identité culturelle. (voir aussi parties prenantes)
- Objectif 12 – Consommation responsable : vos pratiques d’approvisionnement, vos choix de fournisseurs (voir approvisionnement responsable)
2- Choisir votre cause et votre implication – 2 pistes de réponse
Maintenant que nous comprenons un peu mieux en quoi consiste le volet social, passons au sujet qui nous intéresse. Pour cet article, nous avons choisi de parler d’implication sociale, que nous allons définir comme le soutien délibéré d’une organisation à sa communauté, à une ou des causes sociales (ou environnementales).
Voici 2 pistes de réflexion pour décider du «quoi» faire, avant de passer plus loin au «comment» le faire.
L’adéquation entre votre secteur d’activité et votre mission
Les entreprises qui s’impliquent socialement sont à la recherche de sens et veulent sentir la différence qu’ils font. Une façon d’y arriver est de placer son secteur d’activité, sa mission et ses valeurs d’entreprise au centre de sa réflexion. Vous pourriez d’ailleurs en profiter pour les mettre à jour en faisant participer votre équipe. Cette démarche permettra d’orienter vos choix. Le but ici est de sélectionner une cause ou une implication sociale qui sera porteuse de sens d’abord pour vos employés, et ensuite pour vos clients et autres parties prenantes (nous vous reparlerons du concept des parties prenantes dans un prochain article).
Par exemple, l’organisation membre invitée lors du café-jasette, la Coop de solidarité Vallée du Bras du Nord a développé un programme de découverte des activités de plein air et d’éducation à l’écocitoyenneté en collaboration avec l’école secondaire locale. Celui-ci a grandement contribué à développer la culture plein air chez les habitants du coin et a dynamisé l’économie locale en attirant d’autres entreprises.
D’autres causes telles que la santé mentale, les saines habitudes de vie, l’accessibilité, etc. auraient aussi été des choix cohérents pour une organisation de ce secteur. Pour sa part, une institution culturelle pourrait s’impliquer en rapport à l’éducation, la sauvegarde du patrimoine, etc. Vous voyez le genre? Bien sûr, ce n’est pas obligatoire, mais votre engagement sera certainement plus pérenne.
Photo: Projet En Marche de la Coop de solidarité de la Vallée Bras-du-Nord
La réponse à un besoin dans votre communauté
Ici, il s’agit de vous informer sur les principaux enjeux et problématiques vécues dans votre communauté auprès d’acteurs locaux, afin de vous impliquer là où ça compte.
C’est ce que fait la Coop Vallée du Bras du Nord qui a mis sur pied un projet d’insertion socioprofessionnelle. Des employés avec un passé d’intervenants jeunesse connaissaient les problématiques des programmes existants et ont décidé de bâtir le leur en réponse. Ainsi, la coopérative concilie les valeurs de ses employés, sa raison d’être et les besoins de sa communauté. Il est important de souligner qu’elle ne travaille pas seule. Divers organismes lui réfèrent les jeunes en difficulté qui bénéficient du programme.
Pour voir plus d’exemples d’implication sociale de nos membres, poursuivez votre lecture jusqu’au lexique sympathique de la dimension sociale.
Suggestions pour connaître les besoins de votre communauté :
- Contacter directement un organisme de bienfaisance, si vous avez déjà choisi pour quel enjeu vous voulez faire une différence
- Contacter votre centre local d’action bénévole ou votre antenne locale de Centraide (Répertoire des centres d’action bénévoles / Répertoire Centraide).
- Contacter vos élus
- Prendre part à des activités de réseautage en dehors de vos cercles habituels
Source: Bénévoles Canada
3- Déterminer ce que vous avez à offrir
Implication sociale n’est pas synonyme de philanthropie. En effet, sortir le chéquier n’est pas la seule voie, ni même la meilleure ! Votre organisation a certainement autre chose à offrir que des bidous.
Alors, réfléchissez aux multiples ressources de votre organisation. En voici quelques exemples:
- Vos lieux physiques (territoire, terrain, salles de réunion, chambres, etc.)
- Votre matériel et vos équipements (que vous pourriez prêter ou donner)
- Votre expertise, votre réseau de contacts
- Votre temps et celui de vos employés (pour du bénévolat)
- Des opportunités d’emploi, d’acquisition d’expérience ou de formation, etc.
- De l’espace publicitaire, de la visibilité lors d’une campagne marketing conjointe, etc.
Par exemple, l’Auberge internationale de Rivière-du-Loup se considère comme un «facilitateur» d’événements communautaires en donnant accès à des chambres et équipements gratuitement. De plus, elle rend disponible son directeur et ses employés pour une implication dans certains organismes.
4- Chercher des partenaires
Il n’est pas nécessaire de tout faire vous-même. Comme le dit le vieux dicton, « seul on va plus vite, ensemble on va plus loin ! ». Beaucoup d’organisations qui s’impliquent socialement n’ont ni les connaissances des besoins, ni l’expertise, ni les ressources pour développer des programmes en interne. Celles-ci collaborent avec des organismes de bienfaisance comme nous en avons parlé précédemment au point 2.
C’est le cas du site touristique de la Chute à l’Ours qui offre une expérience de travail à des bénéficiaires du Centre de réadaptation en déficiences intellectuelles local, leur permettant ainsi de développer leurs capacités.
Vous pourriez aussi vous allier à d’autres entreprises de votre écosystème, sensibles au même enjeu. Joindre ainsi vos forces permet d’avoir un impact plus grand.
En terminant – notre lexique sympathique accompagné d’exemples inspirants
Le vocabulaire de la dimension sociale du tourisme durable est parfois mêlant. Pour s’y retrouver, voici un petit lexique sympathique accompagné d’exemples remarquables chez nos membres pour vous inspirer. À répliquer sans compter!
Implication sociale : soutien délibéré d’une organisation à sa communauté, à une ou des causes sociales et environnementales.
Ce peut être aussi simple que de faire don de ses surplus de nourriture le réceptif Windigo Aventure ou encore ses meubles usagés comme l’Hôtel Château Laurier.
Impact social : impacts positifs (et parfois négatifs) des activités d’une organisation sur ses parties prenantes, notamment les opportunités et la qualité de vie locale.
Par exemple, bien plus qu’un hébergement touristique, Aventure Rose-des-Vents a insufflé un dynamisme nouveau au sein du village de Sainte-Rose-du-Nord en devenant un lieu de vie partagé entre locaux et touristes favorisant les échanges, notamment grâce à sa programmation culturelle.
Ce sujet très important et vaste constituera une thématique en soi lors d’un futur café-jasette avec un article qui lui sera lié. En attendant, voici une source pour approfondir.
Tourisme social : préconise le droit aux vacances et l’accessibilité au tourisme à tous les groupes de la population, notamment les jeunes, les familles, les retraités, les personnes en situation de handicap, les personnes aux revenus modestes, etc.
Par exemple, en louant chez Chalets Lanaudière, les vacanciers soutiennent le Fond d’aide aux enfants du Camp Mariste, qui subventionne les séjours de jeunes défavorisés.
Tourisme équitable : permet d’assurer aux communautés locales une part juste des retombées économiques et de concilier le tourisme avec l’amélioration de leurs conditions de vie.
Par exemple, Tourisme Shawinigan intègre ses résidents et les communautés autochtones dans ses stratégies de développement, d’accueil et de promotion, par le biais de consultations et de projets collaboratifs.
Tourisme solidaire: inclus une participation financière du voyageur ou du voyagiste, pour soutenir des projets de développement locaux et améliorer la qualité de vie locale.
Par exemple, au Monastère des Augustines, la présence des touristes permet d’offrir à prix réduit des séjours de répits solidaires aux soignants et intervenants psychosociaux.
Tourisme accessible: adapté pour les personnes ayant différents types d’incapacité (motrice, auditive, visuelle, de compréhension, du langage ou de la parole). On parle aussi d’accessibilité universelle. Cliquez ici pour lire l’article de TDQ à ce sujet: L’accessibilité universelle: l’affaire de tous!
Bon à savoir, l’organisation peut s’impliquer ou avoir un impact social significatif sans que le touriste en ait connaissance. Dans d’autres cas, il peut en être simplement informé, invité à faire un don ou encore y prendre une part active notamment par des heures de bénévolat. Par exemple, l’agence Passion Terre organise, en collaboration avec la Fondation des Jeunes en développement durable, des voyages de bénévolat pour la mise en place de différents projets écotouristiques.
Sources
(1) ODD
(2) Windigo
Ressources supplémentaires
Gouvernement du Canada, la section Responsabilité sociale des entreprises (RSE) et l’outil « Feuille de route pour la durabilité des PME »
Bénévoles Canada, donne des conseils et ressources sur l’engagement communautaire des entreprises , notamment l’article RSE et les ressources humaines: établir un lien pour l’engagement des employés
Texte scientifique théorique pour mieux comprendre le concept de parties prenantes et leurs rôles au sein de votre entreprise: L’APPORT DE LA THÉORIE DES PARTIES PRENANTES À LA MODÉLISATION DE LA RESPONSABILITÉ SOCIÉTALE DES ENTREPRISES, Astrid Mullenbach
Texte par Caroline Asselin
Collaboration: Geneviève Turner et Yasmine Benbelaid
Pour visionner l’enregistrement du Café Jasette du 21 septembre 2021 lié à la thématique de la dimension sociale du tourisme : Le volet sociale en tourisme durable: pourquoi?
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