8 mai 2023

Jungle des certifications : comment faire les bons choix?

« Je te dis que c’est une attestation.

  • Mais non c’est une certification, c’est écrit sur leur site.
  • Es-tu certaine ?
  • Mais oui regardes ce lien…
  • Bon okay tu as raison, il s’agit bien d’une certification, mais ils ne sont pas accrédités GSTC (1). Leurs critères de certification sont reconnus par le GSTC (2), mais ceci n’en fait pas pour autant un organisme accrédité.
  • Mais si, ils étaient accrédités regarde je t’envoie la preuve que j’ai reçue.
  • Tu as raison c’est bizarre!
  • Je ne comprends plus rien.
  • Moi non plus. »

Toute ressemblance avec des personnes ou situations existantes ou ayant existé serait purement fortuite et involontaire…

Plus sérieusement cet échange fictif résume à lui seul le flou qui entoure encore trop souvent la compréhension et l’usage des termes auto-évaluation, attestation, certification, audit et accréditation dans le domaine du tourisme durable.

Le plus souvent involontairement ces termes sont utilisés à mauvais escient entraînant une incompréhension ou pire une mauvaise interprétation de la part du public auquel ils s’adressent.

Dénués de leurs sens, ils perdent ainsi tout leur intérêt, celui de formaliser, hiérarchiser et crédibiliser les bonnes pratiques et engagements mises en place par certains acteurs du secteur. Malheureusement il arrive aussi parfois que le flou soit volontairement entretenu autour de ces termes, les faisant ainsi devenir de « véritables » outils d’écoblanchiment.

Le but de cet article n’est pas de définir ces termes, ils le sont déjà très clairement dans le Lexique du Tourisme durable ainsi que dans l’article « S’y retrouver dans la jungle des terminologies en matière de certification en tourisme », tous deux accessibles sur le site de Tourisme durable Québec (TDQ); ici nous allons plutôt essayer de comprendre quel est l’objectif d’une démarche de certification au sens large du terme et d’identifier les facteurs qui influent sur la crédibilité d’une telle démarche. L’idée si vous êtes une consommatrice ou un consommateur est de vous permettre d’évaluer la crédibilité de telle ou telle certification ou attestation, et si vous êtes une entreprise choisir la meilleure option pour atteindre vos objectifs.

Une finalité commune, crédibiliser une démarche

Les cinq termes, auto-évaluation, attestation, certification, audit et accréditation, ont en commun la même finalité : la volonté de crédibiliser une démarche, en évaluant et validant des pratiques, et plus précisément dans le contexte qui nous intéresse des pratiques en tourisme durable. Quelle que soit l’option choisie, cet objectif est louable car il démontre un engagement concret sur une voie plus ou moins longue et plus ou moins exigeante, en organisant ses actions et en mesurant leurs impacts sur la base de critères et méthodes d’évaluation préétablis.

En résumé une même finalité, crédibiliser, mais un niveau de difficulté variable selon la voie choisie pour l’atteindre. En d’autres mots, prouver son engagement en s’auto-évaluant est beaucoup plus simple qu’en ayant recours aux meilleures certifications du Monde délivrées par les organismes certificateurs les plus rigoureux. 

De la simplicité découle le niveau de crédibilité que le public accordera à la démarche. Ainsi un processus d’attestation auto-déclaratif local avec audit de preuves limité sera moins crédible pour un public averti qu’une certification connue internationalement, reconnue par ses pairs pour sa rigueur, où l’audit est réalisé en présentiel dans l’entreprise par un auditeur externe indépendant, lui-même accrédité par un organisme certificateur de référence (voir S’y retrouver dans la jungle des terminologies en matière de certification en tourisme) .

Cette notion de crédibilité est fondamentale, car hormis les réels bénéfices collectifs générés par les bonnes pratiques requises par la certification, la crédibilité générera des retombées bénéfiques au niveau de l’entité elle-même. En effet, plus une démarche de certification sera reconnue comme crédible plus l’entité qui l’entreprendra sera crédible à son tour, ceci se traduisant notamment par des gains en matière d’attractivité auprès des diverses parties prenantes, de compétitivité, de visibilité, et de positionnement.  

Crédibilité à géométrie variable, quels facteurs prendre en compte ?

La crédibilité d’une démarche d’évaluation de ses pratiques durables dépend de nombreux facteurs et « tant qu’à y être », comme on dirait au Québec, on aurait naturellement tendance à choisir l’approche la plus crédible. Or, comme nous l’explique très bien le Parcours durable de TDQ, se lancer dans une démarche de certification nécessite temps et argent et il est indispensable avant de commencer de déterminer de quel niveau de crédibilité on a réellement besoin et quels sont les moyens à notre disposition.  Pour certains une auto-évaluation sera suffisante (pour prouver son engagement sur un marché de producteurs locaux par exemple), alors que pour d’autres une certification avec audit externe indépendant sera nécessaire (pour obtenir par exemple un prêt cautionné par une institution financière étatique.)

Afin de vous aider à vous y retrouver nous avons détaillé ici les principaux critères qui influent sur la crédibilité d’une certification.

  • La notoriété : Est-ce que la certification, l’attestation, la démarche que l’on va entreprendre est connue ou non de mon public? Y a-t-il beaucoup de certifiés ou non ? Attention sur ce point notoriété ne rime pas toujours avec crédibilité, certaines attestations ou certifications sont très connues et répandues car relativement faciles à obtenir et/ou à renouveler. A contrario, une certification inconnue n’induit pas ou peu d’effets positifs en termes de compétitivité, visibilité, attractivité et positionnement. En tant qu’entreprise vous vous dites peut-être à ce stade “bon okay alors je fais quoi ?” Si vous le pouvez, il est parfois intéressant de combiner plusieurs certifications et/ou attestations; par exemple choisir une certification plutôt connue et une ou plusieurs attestations spécialisées mais peut-être aussi moins connues qui auront pour rôle de d’attester votre engagement sur une thématique en particulier.
  • La pertinence : Est-ce que la certification que nous visons, correspond à notre activité? Le public trouvera-t-il pertinent que nous soyons porteurs d’une telle certification ? Est-elle trop générale, trop spécialisée ou simplement adaptée ? Les mesures prises dans le cadre de cette certification vont-elles avoir des effets concrets, pour la collectivité, pour nous même? Se lancer dans une certification ne doit pas être un alibi, une lubie et encore moins une figure de style. Elle doit s’inscrire dans une vision et une stratégie sincère et à long terme, cohérente avec votre activité.
  • Qualité et indépendance de l’audit : Y a-t-il un audit? Si oui est-il interne ou externe? Si externe est-il réalisé par un auditeur indépendant de l’entité en charge de l’attestation ou de la certification? Combien de temps est attribué à l’audit des preuves? Quelle est la nature des preuves à fournir ? Une certification avec un audit externe indépendant sera plus crédible qu’une démarche d’auto-évaluation ou d’attestation qui ne comporte pas nécessairement la notion d’audit.
  • La durée de validité : La certification, l’attestation, est-elle valide un an, deux ans, cinq ans, à vie? On comprend facilement qu’une attestation, délivrée dans le domaine des services, qui, une fois attribuée, est valide à vie est moins crédible qu’un certificat qui, pour être valide, doit être renouvelé annuellement à l’issue d’un processus de preuve et de validation par un auditeur externe. Attention néanmoins sur ce point, certaines certifications demandent des fréquences de renouvellement moins fréquentes que d’autres car elles concernent des projets, des réalisations qui n’ont pas vocation à évoluer, se transformer, se dégrader rapidement. Par exemple la certification Keroul (6) qui concerne l’accessibilité aux bâtiments au Québec est valide 5 ans. A priori ceci est tout à fait suffisant, car sauf modification ou détérioration majeure un bâtiment jugé accessible à un jour J va le rester plusieurs années.
  • La reconnaissance : Contrairement à la notoriété, la reconnaissance d’une certification ou d’une attestation ne se base pas sur la quantité de personne qui les connaissent mais sur la qualité et le sérieux de l’ensemble de leur processus. En effet certaines certifications, attestations bénéficient de la reconnaissance de la communauté scientifique, d’associations professionnelles, de la communauté internationale, de pouvoirs publics, etc. Elles s’appuient généralement sur des normes qui font consensus et dont la robustesse et la pertinence sont prouvées; la méthode d’évaluation repose quant à elle sur un cahier des charges strict et rigoureux.

A titre d’exemple on peut citer les normes GSTC pour le tourisme, ISO (3) pour la gestion de la qualité, ou LEED (4) pour les bâtiments.  Toujours à titre d’exemple Biosphère Sustainable Lifestyle (5) propose une certification pour les hôtels qui repose sur des normes et standards reconnus comme correspondants aux siens par le GSTC.

L’accréditation d’un organisme certificateur (d’une certification)

Le stade ultime de la reconnaissance est l’accréditation (7), qui cautionne certaines entités certificatrices en les accréditant c’est-à-dire en leur donnant le droit d’utiliser la marque d’un organisme accréditeur de référence.  A titre d’exemple, Earth Check (pour les destinations) et Green Destination sont deux organismes certificateurs (ou deux certifications) accrédités par le GSTC. Dans ce contexte, ils ont l’accréditation (la permission) de délivrer des certifications GSTC. À savoir :

  • Obtenir une telle accréditation se fait à l’issue d’un travail d’audit détaillé et extrêmement rigoureux des pratiques;
  • L’accréditation est la preuve que les pratiques de l’accrédité sont fiables, sans failles et répondent en tous points au cahier des charges du GSTC;
  • Une telle accréditation procure de nombreux bénéfices à son détenteur, dont une excellente crédibilité et donc une attractivité accrue;
  • Elle n’est octroyée qu’à un nombre limité d’entreprises; par exemple en 2023 seules quatre entreprises étaient accréditées par le GSTC pour délivrer des certifications hôtelières GSTC.

Comme vous avez pu le constater, rien n’est n’est noir ou blanc en matière de certification. Il faut souvent arbitrer entre le pas assez, le plus, le moins ou le trop afin de trouver l’équilibre pour que la certification ou l’attestation choisie corresponde à ses besoins, moyens, objectifs et à sa vision. Il faut prendre le temps de lire, de se renseigner, réfléchir, comparer, prendre des avis avant de se décider. Le site TDQ regorge d’informations sur ces sujets.

Un processus d’amélioration continue

Pour avoir conduit au cours des derniers mois un travail de certification avec l’ensemble de notre équipe, je me permets ce conseil : En matière de certification, tentez plutôt de mettre la barre un peu trop haute que trop basse. Certes les efforts à faire seront plus grands, mais je peux vous garantir que nous avons tous, quelle que soit notre fonction dans l’entreprise, trouvé cet exercice passionnant, riche en remises en question, plein d’enseignements, de découvertes, de changements, et finalement tellement gratifiant.

Enfin gardez toujours à l’esprit qu’une certification n’est pas une fin en soi, il vous faudra la conserver et idéalement améliorer vos pratiques afin de devenir encore meilleur. Pour vous aider à garder ce cap, je vous invite à utiliser comme boussole cette phrase d’Yvon Chouinard (fondateur de Patagonia) à propos de la durabilité: « La durabilité n’existe pas. Il n’y a que des niveaux. C’est un processus, pas un véritable objectif. Tout ce que vous pouvez faire c’est y travailler ». 

Texte par pollinisateur: Olivier Donzelot – Propriétaire Hôtel Nomad Québec

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Sources

(1) Gstc – Entreprises accréditées

(2) Gstc – Standards et normes reconnues

(3) Iso – Gestion de la qualité

(4) Leed – Certifications

(5) Biosphère Sustainable Lifestyle

(6) Keroul – Certification

(7) Accreditation vs. certification selon le GSTC

Autres sources et inspirations

Lire aussi :

S’y retrouver dans la jungle des terminologies en matière de certification en tourisme

Pour aller plus loin

Des étudiants de deuxième cycle de l’université de Sherbrooke ont réalisé un travail de comparable des outils et certifications pour TDQ en 2022. Le document est accessible pour tous les membres à partir de l’accès-membre.

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