On parle beaucoup de repenser le tourisme, et surtout de s’engager vers un tourisme durable, moins vulnérable et beaucoup plus responsable et consciencieux de notre planète et de ses habitants. D’autant plus depuis la crise sanitaire du Covid-19 qui a forcé cet arrêt de nos activités quotidiennes, et en particulier de notre secteur touristique, impliquant des fermetures et des mises à pied brutales.
Mais, force est de constater que la dimension sociale du tourisme durable est très souvent négligée tant dans le discours que dans l’action, contrairement à la dimension environnementale, qui est de plus en plus prise en compte. Pourtant, le tourisme s’effectue avec des personnes et pour les personnes : touristes et résidents des communautés d’accueil, travailleurs du secteur et d’autres domaines, etc.
Tenir compte de la dimension sociale implique de viser la réduction des inégalités, à travers des actions de la part de tous les acteurs impliqués ainsi que des politiques sociales en tourisme qui promeuvent l’intégration, l’inclusion, la solidarité, la justice sociale et une redistribution équitable des bénéfices et des ressources disponibles. Le tout devrait s’aligner aux Objectifs de Développement durable (ODD) (1) de l’Agenda 2030 des Nations Unies. En effet, les actions promues par le tourisme durable contribuent aux 17 objectifs! Ne pas considérer la dimension sociale en tourisme pourrait entraîner, par exemple, des problèmes de coexistence et conduire à des attitudes de rejet, tant en ce qui concerne l’arrivée que le séjour des touristes dans les destinations, des phénomènes déjà vécus et connus sous le nom de « tourismophobie » et même « touristophobie »(2).
Intégrer la dimension sociale du tourisme durable dans nos pratiques devient tout aussi important que travailler dans les deux autres dimensions. L’Organisation Internationale du Tourisme Social (ISTO) vous propose, dans ce texte, de prendre en considération trois aspects fondamentaux pour aller de l’avant : les travailleurs, les touristes et les résidents.
Les travailleurs
Un premier aspect que nous retrouvons c’est le respect des droits des travailleurs qui va de pair avec des conditions de travail décentes et une juste rémunération. Non seulement il est primordial de respecter la législation du travail en vigueur, nationale et internationale, mais les marges de bénéfices de l’entreprise ne devraient pas s’accroître au détriment des conditions des travailleurs. Il est tout aussi important de veiller à l’équité de genre et à la diversité en éliminant toute forme de discrimination dans le milieu de travail et à une égalité des opportunités d’embauche et de progression au sein de l’entreprise touristique qui concerne les travailleurs les plus vulnérables du secteur, notamment les jeunes, les femmes et les immigrants, et qui est due, par exemple pour les jeunes, à une insertion précaire sur le marché du travail du tourisme. Encourager, appuyer et développer la professionnalisation des travailleurs du secteur touristique par la formation continue devient un incontournable pour toute entreprise engagée dans le tourisme durable.
La crise sanitaire du Covid-19 a également entraîné le licenciement de nombreuses personnes du secteur touristique, qui est désormais perçu comme (encore plus) instable, ce qui pousse les travailleurs à chercher des emplois dans des secteurs qui leur offrent une plus grande stabilité, des considérations auxquelles il faut s’attarder lorsqu’on réfléchit à la rétention de la main-d’œuvre et à la pénurie que le secteur subit.
Mais l’instabilité et la saisonnalité ne sont pas pour autant un obstacle insurmontable. Alors que plusieurs opérateurs au Québec doivent fermer faute de main-d’œuvre et que d’autres s’investissent personnellement pour remplacer ceux qui manquent, certains modèles continuent de fonctionner. Quand la précarité de l’emploi est associée à une expérience de vie de qualité alors les volontaires sont nombreux. C’est le cas par exemple dans le réseau des auberges de jeunesse Hostelling International de l’est du Québec. Le travail, bien qu’exigeant et souvent associé à de longues journées, est d’abord et avant tout un plateau d’échanges culturels. Échanges culturels entre voyageurs et employés, entre les employés qui proviennent de divers pays et de divers milieux, entre générations, entre des personnes amoureuses de plein air et d’autres amoureuses de musique, de culture, de spectacles etc. Ce mélange incongru crée un plateau de travail toujours très attirant et motivant. Les volontaires pour ce travail précaire sont toujours nombreux et repartent épuisés, mais profondément transformés. Le travail représente une partie importante du temps de vie et l’expérience qui en est retirée doit également contribuer à l’accomplissement personnel des travailleurs!
Le tourisme durable exige des conditions de travail décentes, dignes et justes pour tous!
Au Québec : Auberge internationale de Rivière-du-Loup
Les touristes
Justement, parler des travailleurs nous permet d’introduire le deuxième aspect à tenir en compte: les touristes. Dans l’optique où ces mêmes travailleurs sont aussi des touristes, par le biais de leur droit aux vacances et congés payés (2).
Malgré les conditions légales et matérielles existantes, diverses clientèles n’étaient toujours pas en mesure de partir en vacances, soit les jeunes, les personnes âgées, les personnes ayant un handicap, les familles à faible revenu ou encore des travailleurs selon les situations. C’est donc ici que le concept du tourisme social prit toute sa pertinence, puisqu’il s’est développé pour transformer ce droit théorique en une réalité pour le plus grand nombre de personnes.
La démocratisation des vacances est loin d’être une quête achevée, plusieurs clientèles attendent encore pour partir en vacances. Ces touristes nécessitent une aide supplémentaire, en argent, en infrastructure, en attitude, en sensibilisation même pour pouvoir le faire. Plusieurs organisations travaillent en ce sens aujourd’hui, parmi elles, le Conseil québécois du loisir (CQL), un regroupement national qui représente 34 organismes nationaux de loisir, lesquels rassemblent plus de 4 500 organisations locales et régionales qui sont supportées par des centaines de milliers de bénévoles. Le CQL, tout en poursuivant sa mission de rendre les loisirs accessibles pour tous, contribue à l’essor et à la promotion du loisir touristique au Québec en ayant, entre autres, des actions auprès des pouvoirs publics, du secteur touristique et de ses propres membres. Le CQL défend les vacances pour tous en sol québécois et devient un allié incontournable.
Mentionnons aussi, l’importante action de Kéroul au Québec depuis 1979. L’organisme à but non lucratif a développé différentes actions en tourisme accessible ayant permis à un plus grand nombre de personnes aux capacités physiques restreintes de profiter des sites touristiques et des destinations partout dans la province.
Les résidents
Mentionner les touristes ou les clientèles touristiques nous amène au troisième aspect de la dimension sociale du tourisme durable où l’on retrouve les résidents de ces communautés d’accueil.
En premier lieu, on devrait viser la construction de relations positives et mutuellement bénéfiques entre les touristes et les populations locales. Très souvent, les résidents ont l’impression que seuls les entrepreneurs touristiques bénéficient du tourisme et que leurs intérêts et leur bien-être sont négligés au détriment de l’accueil des touristes. Il est important que les résidents ressortent gagnants de cet accueil, par exemple avec l’aménagement des sentiers ou la création de nouvelles infrastructures, c’est-à-dire un aménagement du territoire pour tous. Pour qu’une communauté d’accueil sente qu’elle est consultée et que ses enjeux sont pris en compte, elle devrait être engagée dans le projet, et ce dès le départ, comme n’importe quel autre acteur. Réussir un projet touristique durable est impossible sans l’engagement et l’implication des résidents. Ceci comprend notamment respecter leur culture, leur patrimoine et leurs traditions, soutenir leurs projets, ainsi que requérir à leurs services et les embaucher.
Afin de rendre les touristes plus responsables et pour favoriser des retombées positives envers les résidents, il est intéressant de leur proposer de collaborer à des activités communautaires, des projets de développement ou de conservation. Ceci contribue à créer des points d’ancrage entre les visiteurs et les résidents.
Le tourisme durable doit permettre aux résidents qui accueillent les visiteurs de profiter eux aussi de cet échange de cultures. Par des échanges plus riches entre les visiteurs et les résidents, peu importe leur rôle, le respect réciproque se développe et l’ensemble de la communauté y gagne. L’effet de rejet, le sentiment d’agression par la masse opaque de touristes s’atténue. Favoriser des liens plus équitables qui contribuent à l’amélioration de la qualité de vie de ces communautés demeure un volet tout aussi important dans la dimension sociale du tourisme durable!
Conclusion
Pour conclure, mentionnons que la dimension sociale du tourisme durable est orientée vers l’équité et l’inclusion, ce qui signifie, entre autres, favoriser les rencontres, travailler pour améliorer la qualité de vie des visiteurs et des visités, et faire en sorte que toutes les personnes, touristes et résidents, bénéficient des vertus du tourisme. Il s’agit de mettre les personnes au cœur de l’expérience touristique que nous offrirons!
S’impliquer davantage dans la dimension sociale du tourisme durable passe d’abord et avant tout par des changements de nos mentalités et du coup, repenser notre discours. Bien que la dimension économique soit très importante, commençons à présenter notre argumentaire sur les bénéfices économiques du tourisme accompagnés des retombées pour les personnes et les communautés. Nous découvrirons que nos actions vont bien plus loin et qu’il est possible d’avancer ensemble dans un tourisme durable pour tous.
Mais ne nous arrêtons pas au discours, engageons-nous dans l’ action!
L’intégration du volet social en tourisme au sein de votre entreprise peut s’amorcer de différentes façon. Pour plus d’informations et des conseils pratiques qui vous aideront à prendre actions concrètement, nous vous invitions à lire ces deux autres textes traitant de la thématique:
Développer l’implication sociale
L’accessibilité universelle : l’affaire de tous!
Texte par: Veronica Gomez , Directrice Amériques, Organisation Internationale du Tourisme Social, ISTO Amériques
Collaboration: Caroline Asselin et Geneviève Turner
Lire aussi:
Directives de l’OIT sur le travail décent et le tourisme socialement responsable, Genève, Bureau international du Travail, Département des politiques sectorielles, Genève, BIT, 2017
Déclaration de Montréal, « Pour une vision humaniste et sociale du tourisme » (1996), Organisation internationale du tourisme social – ISTO.
« Tourisme en actions: 20 exemples de politiques sociales et programmes à travers le monde », Organisation internationale du tourisme social – ISTO, 2018.
Manifeste pour le tourisme équitable et solidaire, Association pour le Tourisme Équitable et Solidaire – ATES, mars 2021.
Le tourisme comme outil de développement: 20 exemples de tourisme responsable et solidaire à travers le monde, ISTO.
Source :
(1) Objectifs de Développement durable
(1) Pour creuser dans ces concepts et en savoir plus, on vous invite à consulter : « L’Overtourisme : Tourismophobie et touristophobie, même combat ? »
(2) Convention no 52 de l’Organisation internationale du travail