Imaginons que la famille vient souper, pâtes carbonara au menu. Comme toute activité, la cuisine a une empreinte carbone qui, même si elle peut paraître minime, contribue au réchauffement climatique. Selon la même logique, toute organisation en a une également, à son échelle. Devenir carboneutre ne signifie pas qu’on n’émet plus de gaz à effet de serre, mais qu’on obtient un bilan neutre. Voyons cela de plus près.
Que sont les émissions de GES et l’empreinte carbone ?
Les gaz à effet de serre (GES), principalement le dioxyde de carbone (CO2), le méthane et le protoxyde d’azote sont naturellement présents dans l’atmosphère. C’est l’augmentation de leur concentration due à l’activité humaine qui les rend problématiques. C’est comme l’ail : trop en mettre gâche la recette. Chacun de ces gaz contribue dans une proportion différente au réchauffement, mais on les convertit en équivalent de CO2 pour calculer l’empreinte carbone.
Revenons à nos pâtes carbonara… Pour calculer leur empreinte carbone, on doit penser à additionner les émissions qui découlent de toutes les étapes avant, pendant et après votre propre utilisation d’énergie.
Il ne s’agit pas donc seulement des émissions directes qui impliquent votre déplacement pour l’achat du produit, leur cuisson sur la cuisinière et la façon dont vous disposerez des restes par exemple. Il faut aussi s’intéresser aux émissions indirectes de GES qui sont en lien avec les étapes d’extraction de ressources (ex. céréales, œufs, sel…), de fabrication (ex. à la main par un.e artisan.e ou par une machinerie industrielle), de distribution (ex. arrivent-elles d’Italie par avion où les faites-vous vous-même dans votre cuisine) et de fin de vie (ex. jetez-vous les restes à la poubelle ou bien les mettez-vous au composte). Ça fait beaucoup à penser, c’est vrai ! On parle ici d’analyse de cycle de vie. Nous y reviendrons dans un prochain article, mais ce qu’il faut retenir est que chaque objet ou service que nous consommons a une empreinte carbone, ce qui contribue aux changements climatiques.
Image : Environnement LCL
Qu’est-ce que la carboneutralité ?
Expliqué simplement, il s’agit pour un individu ou une organisation d’obtenir une empreinte carbone directe neutre. La neutralité carbone s’obtient lorsqu’on réduit d’abord ses émissions de GES, puis lorsqu’on compense celles qui ne peuvent être évitées. Nous reviendrons plus loin sur la compensation carbone.
Pourquoi s’intéresser à la carboneutralité ?
Tout simplement parce qu’il s’agit de prendre ses responsabilités en regard des préjudices causés à autrui par nos propres activités. En effet, rappelons-nous que nous vivons une crise mondiale urgente qui commande à chaque industrie et à chaque organisation de contribuer à limiter le réchauffement climatique global. L’accord de Paris sur le climat, ratifié en 2016 par le Canada, vise à limiter ce réchauffement à 1,5 °C/2 °C. L’industrie touristique est particulièrement vulnérable aux changements climatiques puisque c’est notre environnement, notre destination, que nous vendons !
Réduire d’abord, compenser ensuite
Compenser sans réduire, ce serait comme s’empiffrer puis tenter de brûler les calories en trop au gym. C’est drôlement moins efficace que de manger moins de bacon dès le départ ! D’un point de vue financier, c’est doublement gagnant puisqu’en réduisant votre consommation d’énergie (principales sources d’émissions), vous générez des économies en plus d’avoir à débourser moins pour compenser les émissions restantes. Au-delà de cette évidence mathématique, cet article publié par Le Monde de l’Énergie explique bien pourquoi compenser sans réduire serait un piège. En effet, « acheter un crédit carbone […] est une pratique à encourager, mais qui ne pourra jamais se substituer à ses propres efforts ».
Par où commencer ?
Mesurer ses émissions
Une organisation doit d’abord mesurer ses émissions de sources directes, mais elle devrait aussi penser à inclure les émissions indirectes liées à son modèle d’affaires dans son calcul. En effet, il s’avère que celles-ci sont parfois plus importantes !
Par exemple, si votre frère prend un vol Montréal-Gaspé pour venir manger vos pâtes carbonara, ses émissions, bien qu’indirectes, feront bondir l’empreinte carbone de votre soirée.
Vous pouvez faire une première mesure autonome de vos émissions en utilisant des calculateurs.
Pour des plateformes intuitives et afin de se familiariser avec le calcul de vos émissions, vous pouvez essayer celui de Carbon Scol’ère (votre adresse courriel vous sera exigée en échange) ou encore celui de Carbon Footprint.
Celui du Fonds d’action québécois pour le développement durable est accessible dans leur rubrique Outils. Il faut télécharger le fichier Excel et l’on peut y entrer nos données.
Pour plus de précisions, vous pouvez aussi faire appel à des expert.es spécialisés dans ces diagnostics (voir le répertoire des expert.es du Fond Eco Leader ).
Réduire ses émissions
À partir de ce premier bilan, vous comprendrez mieux l’origine de vos émissions et pourrez mettre en place des stratégies simples pour les réduire. Pensez par exemple dans le cas d’un hébergement, à baisser le chauffage la nuit ou dans les chambres d’hôtel inoccupées ou encore à choisir un fournisseur local et biologique pour les œufs que vous servez à vos hôtes le matin peuvent faire une différence.
Toutefois, comme nous confiait notre membre invité Stéphane Morin du Château Frontenac lors de notre premier Café Jasette en mai 2021, dans certains cas, diminuer son empreinte carbone peut parfois demander des investissements. En effet, l’emblématique hôtel a obtenu une réduction de près de 50 % de ses émissions grâce à des rénovations permettant d’améliorer son efficacité énergétique.
Compenser ses émissions
Les industries les plus polluantes, qu’on appelle aussi les grands émetteurs, sont soumises à un marché carbone réglementé au Québec et au Canada. En gros, elles n’ont pas le choix de compenser pour leurs émissions. Pour les autres, on parle d’un marché volontaire de la compensation.
De plus en plus de particuliers et d’entreprises font ainsi le choix de compenser leurs émissions carbone. En effet, c’est une façon de démontrer son engagement et sa responsabilité sociale en tant qu’entreprise.
On pense d’emblée à la plantation d’arbres, une solution de séquestration du carbone, mais il y en a d’autres. Parmi celles-ci, on retrouve le développement d’infrastructures d’énergies renouvelables, ou encore des programmes d’éducation relative à l’environnement, comme celui de Carbone Scol’ère. Dans ce dernier cas, on peut dire qu’il s’agit plutôt de contribution ou de “contrebalancement” que de compensation véritablement. Carbone Scol’ère travaille sur la prévention afin de réduire la quantité d’émissions qui auraient été produites par les jeunes s’ils n’avaient pas été sensibilisés. C’est un peu comme bien s’alimenter, faire de l’exercice et de la méditation pour avoir toutes les chances de notre côté d’être en bonne santé le plus longtemps possible.
Il reste à faire preuve de discernement dans le choix d’un organisme de compensation. Sur ce sujet, Mitémo Chevalier, qui représentait Carbone Scol’ère lors de notre premier Café Jasette, expliquait les critères d’admissibilité d’un projet de compensation efficace. On parle de mesurabilité, vérifiabilité, permanence et d’additionnalité. Pour de détail sur chacun de ces critères, écoutez l’enregistrement du café jasette à partir de votre espace membre ou bien allez à la dernière question de notre Quiz sur la carboneutralité.
Conseil d’ami
Il est aussi important de communiquer nos actions de façon responsable. On peut avoir besoin d’aide quand vient le temps de rendre nos efforts publics afin de ne pas être vu comme étant malveillant et comme voulant faire de l’écoblanchiment. Si vous désirez mettre de l’avant vos pratiques écoresponsables et divulguer par exemple vos efforts de compensation, prenez soin de bien vous informer et de fournir des informations concrètes et objectives.
La communication responsable est d’ailleurs un sujet sur lequel nous reviendrons plus en détail afin de vous aider à y voir plus clair.
Restez à l’affût de nos prochaines thématiques !
En conclusion
Le réchauffement climatique est un des enjeux les plus importants du développement durable auquel notre belle industrie touristique doit s’attaquer pour garantir sa pérennité. Nous faisons tous et toutes partie de la solution, peu importe notre point de départ.
Pour beaucoup, notamment pour les petites entreprises, il est difficile de savoir par où commencer pour réduire et compenser nos émissions de gaz à effet de serre et atteindre la carboneutralité. Tourisme durable Québec vous tiendra au courant des pratiques durables et des actions simples à mettre en place petit à petit au sein de votre organisation et en tant que voyageur.euse responsable.
Serez-vous parmi les pionnier.ères qui traceront la voie à suivre ?
Soyons courageux et mettons le cap vers un avenir sobre en carbone, car ce n’est pas seulement la bonne chose à faire, c’est aussi bon pour les affaires. L’innovation peut être source d’économies et d’opportunités. De plus, les entreprises durables attirent des client.es qui partagent leurs valeurs.
Pour aller plus loin :
- Le site du Greenhouse Gas Protocol, un organisme qui établit les standards reconnus internationalement pour la déclaration et la gestion des émissions, ainsi que sa documentation traduite en français.
- Le calculateur du Fonds d’action québécois pour le développement durable
- Un article d’Équiterre aborde la compensation carbone et guide votre choix pour l’achat de crédits compensatoires
- Un article de Protégez-vous qui évalue les fournisseurs de crédits carbone du marché volontaire québécois et canadien (payant)
- L’article Ne dites plus compensation : de la compensation à la contribution sur Le Monde de l’Énergie
- La page sur le Marché du Carbone et les critères à remplir pour la délivrance de crédits de compensation carbone du site du Ministère de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques
- La section “S’informer” du site de Carbone Boréal offre une panoplie d’informations sur le sujet sous forme de questions/réponses
Texte par Caroline Asselin
Collaborations: Geneviève Turner (rédaction), Sébastien Noël et Virginie Chadenet (corrections et révisions)